FEST : une expérimentation nationale pour penser compétences !

Olivia BERTHELOT, Dirigeante et Consultante du Cabinet ENERGIA est interviewée par Centre Inffo.


Dans une première table ronde, la 15ème Université d’hiver de la formation professionnelle s’est intéressée à l’expérimentation sur les formations en situation de travail (Fest), initiée en 2015 par la DGEFP, les partenaires sociaux et l’appui de l’Anact. L’enjeu ? Revisiter les formats pour une certaine formalisation de l’informel.

Alors qu’un rapport à paraître à la mi-mars dévoilera les enseignements des 21 expérimentations « Formations en situations de travail » (Fest) déployées avec l’appui d’une dizaine d’OPCA volontaires, Béatrice Delay, conseillère technique en charge de la formation professionnelle et de la qualité au Cnefop, rappelle l’objectif principal : « S’organiser, collectivement, pour réussir à repérer les conditions pédagogiques, organisationnelles et réglementaires pour que les Fest se développent. » Très concrètement, il s’agit de leur « trouver une place » dans le système légal et, ainsi, les rendre éligibles aux fonds mutualisés et opposables par les employeurs pour justifier de leurs obligations en matière de formation. Appelant à « rompre avec le système traditionnel de la formation hors lieu de production institué par la loi de 1971 », Béatrice Delay y voit l’occasion d’une « pluralisation des formats de formation » de nature à encourager le développement de « parcours multimodaux intégrant présentiel, distanciel et expérientiel ».

De « maître à disciple »

Se gardant de présenter les Fest comme « la » solution universelle, elle n’en souligne pas moins l’intérêt de la démarche pour les publics peu qualifiés des TPE-PME. Ceci, d’une part, parce que les Fest évitent de sortir les salariés du lieu de production, d’autre part, parce qu’elles concernent des compétences directement articulées à la spécificité métier. Le président du FPSPP, Pierre Possemé, insiste en affirmant que les Fest ont aussi à voir avec l’« innovation », souvent déployée en interne par les entreprises dans une relation de « maître à disciple », sans le concours d’organismes de formation.

Savoir-agir

Pour Olivia Berthelot, présidente du Groupement des acteurs et responsables de la formation Val-de-Loire (GARF), l’expérimentation Fest est moins l’occasion d’une réflexion sur la formation que sur la situation de travail elle-même, dans une « logique de savoir-agir ». Ainsi, c’est le « projet de l’entreprise » qui importe avant tout et va permettre de se « centrer sur la question des compétences, avant de penser formation ». Directeur technique et scientifique de l’Anact, Olivier Mériaux évoque, lui, les apports de l’expérimentation pour dégager les « ingrédients » qui vont permettre d’industrialiser le déploiement des Fest. Parmi ceux-ci, il souligne la dimension collective qui nécessite à la fois une préparation et une mise en condition des acteurs, une ré-ingénierie et de réels aménagements organisationnels et managériaux. L’articulation de séquences de mise en situation et de transmission, ponctuée d’étapes réflexives, lui paraît fondamentale. Pour Bernard Masingue, consultant pour Entreprise & Personnel, c’est le « droit à l’erreur » et la nécessité d’un « accompagnement non prescriptif » qui importent, révélant ainsi une problématique beaucoup plus culturelle que méthodologique.

Repenser l’alternance

Stéphane Rémy, chef de la mission de l’organisation des contrôles à la DGEFP rappelle, lui, les enjeux réglementaires qui pèsent sur les Fest. Si le Code du travail ne les a pas « empêchés », il convient aujourd’hui de préciser les conditions juridiques de leur déploiement. Ce qui suppose, non pas de créer une « logique de substitution », mais, en cohérence avec les objectifs du document d’orientation pour la réforme, de réfléchir à une nouvelle « définition de l’action de formation, plus souple et plus opérationnelle ». Pour Djamal Teskouk, conseiller confédéral CGT membre du Copanef, c’est aussi la question de la « reconnaissance » qui se pose. Notamment à travers celle de la « qualification » mais aussi, souligne-t-il, de la capacité à être « passeur de savoir ». Relevant des similitudes avec l’alternance, Béatrice Delay souligne cependant une différence fondamentale avec « l’alternance instituée » : « Les Fest sont l’occasion de repenser une véritable pédagogie de l’alternance, qui ne soit pas que chronologique mais appuyée sur des savoirs acquis en situation », conclut-elle.

Centre Inffo, Nicolas Deguerry